Décider et convenir

La décision est l'acte d'un seul homme (à vérifier..mais il semble difficile de décider à plusieurs). La décision est sélection. Elle est réduction du champ des possibles. Ou plutôt, réduction potentielle du champ des possibles. Car on connaît tous de nombreuses décisions qui ne sont pas suivi d'effets. Des décisions qui restent à l'état de déclaration, d'écriture, de proclamation. Quand c'est le cas, c'est que l'on a confondu l'idée et le mouvement; la mise en idée et la mise en mouvement; le pouvoir de décider et la puissance d'agir.

A l'inverse, lorsque nous convenons, c'est forcément à l'initiative de plusieurs: on ne peut pas convenir tout seul. Convenir, c'est déjà entraîner avec nous la volonté de tous ceux avec qui nous convenons. Mais convenir n'emporte pas forcément l'activation d'une puissance d'agir. Il faut encore trouver le moyen de "passer à l'action".


Agir

La distinction qu'opère Spinoza entre l'Esprit et le Corps mérite d'être considérée lorsque l'on s'intéresse à l'action publique.

Agir suppose la mis en mouvement de nombreux corps. Les "acteurs", que les sociologues ou les penseurs politique considère comme éléments d'un système (celui de l'action) sont en fait des corps, à même de faire ou non des actions élémentaires avec leurs mains, pieds etc. Rien n'existe, dans le monde réel de l'action, si à l'origine il n'y a pas un mouvement. Même dans le cas de machines complexes, il faut pour le moins la frappe sur un clavier pour déclencher une action. L'esprit seul, les idées, les mots, les concepts...tout cela ne "produit" rien sauf à être relayé par les corps. Une réglementation, un budget dédié à une action...tout cela est stérile, impuissant si une multitude de corps ne se mettent pas en action. Après un ouragan, on peut voter des crédits de reconstruction, mais il faudra trouver des pelles, des pioches, des bras pour reconstruire. Voilà par exemple pourquoi Tchernobyl, Fukushima sont encore des problèmes et pour longtemps: c'est le monde physique corporel qui s'avère incroyablement difficile à "manipuler".

La puissance d'agir est alors la capacité à mettre en mouvement ces corps pour qu'ils produisent des effets adéquats.

Co-intelligence

"Plus l'Esprit est capable de comprendre les choses par le troisième genre de connaissance, plus il désire les comprendre par ce genre de connaissance" Ethique V proposition 26

Ainsi en est il des modes de co-intelligence du commun: plus on les pratique, plus on bénéficie de leurs apports, plus on souhaite continuer à les pratiquer. La co-intelligence du commun est elle un nouveau genre de connaissance?

L'action complexe

Ce à quoi la puissance publique fait face, c'est autant à la complexité intrinsèque de "ce qui est à faire" qu'à la complexité résultant du "comment faire".
Il faut donc s'intéresser à la puissance d'agir, comme manifestation de notre capacité réelle à agir pour prendre en charge les problèmes.
Et comprendre que le pouvoir n'implique pas forcément la puissance d'agir.
L'on pourrait même peut-être qualifier de complexe toute situation où il est nécessaire d'agir, mais où le pouvoir n'est pas en mesure de libérer la puissance d'agir nécessaire à l'action adéquate.
Nous retrouvons là la réflexion de Spinoza sur la volonté, sur l'impuissance de la volonté à gouverner les affects, et donc sur la primauté du conatus.
Intuitivement, on sent que le pouvoir, comme instrument de la volonté du décideur, est entaché de la même impuissance que la volonté individuelle face à la puissance du conatus.

Déroutante métaphysique

La partie I, "De Dieu", qui début l'Ethique déroute le lecteur contemporain. Elle fait plus que le dérouter: elle le décourage. Au delà de la complexité (l'on pourrait presque parler de technicité) du vocabulaire de la métaphysique, le sens, le fond nous échappe. Faut il donc en passer par Dieu pour parler de la morale? N'est ce pas l'inverse que nous recherchons, nous, hommes modernes du XXIème siècle? Une philosophie "autonome" détachée de la notion de Dieu, mais qui s'ancre dans la vie et nous aide à donner sens au monde dans lequel nous vivons?
Il est donc difficile de suivre cette partie de la démonstration. Personnellement, j'ai vite abandonné imaginant qu' il y avait là une sorte d'exercice obligatoire lié au contexte historique d'écriture du texte. Un rattachement à Dieu nécessaire suscité par la crainte, sinon, d'une censure des autorités religieuses. Avec un peu de recul, maintenant, je commence à comprendre la raison de cette partie introductive. La raison fondamentale.
J'y reviendrai plus tard.

Sur la volonté

Si la volonté n'est rien, comment est il possible de s'engager sur le chemin de l'Ethique? Il faut bien, initialement, "décider" que l'on veut changer. Ou alors, seul ceux qui sont déterminés à cela suivent un tel chemin?
Il me semble que la réponse, ce sont les autres: ce qui va me faire changer, c'est l'autre, c'est la rencontre de celui ou celle qui va m'éclairer, m'inspirer, me pousser à rechercher ce chemin d'amélioration.

Sur le commun

Ethique part IV (De la servitude humaine)

Chapitre XIV
"ainsi donc, bien que les hommes, pour la plupart, dirigent toutes leurs affaires selon les désirs sensuels,il suit cependant de leur société commune plus d'avantages que d'inconvénients. C'est pourquoi il est préférable de supporter leurs offenses d'une âme égale, et d'appliquer son effort à ce qui sert l'association dans la concorde et l'amitié."

Chapitre XV
"Ce qui engendre la concorde se rapporte à la justice, à l'équité et à l'honnêteté"

Les affects

Les affects sont la catégorie générique des affections qui touche le corps: par exemple, la Jalousie est un affect, et lorsque je suis jaloux, cela signifie que mon corps subit une affection qui est la jalousie. Lorsque nous sommes dans l'ignorance de nous-mêmes, nous ressentons des affections et nous les subissons: elle s'expriment en nous. Mais si nous n'avons pas une idée claire des affects, alors nous ne pouvons pas comprendre ces affections, et nous ne pouvons agir sur elles.
Bien sûr, il ne suffit pas de comprendre pour agir. Je peux avoir une idée claire de ce qu'est la Jalousie en tant qu'affect, et ne pas arriver à m'en prémunir. Ce passage de la compréhension à l'action est le sujet de l'Ethique. C'est par la compréhension intuitive du 3ème genre que j'arriverai à agir de manière adéquate.

L'idée de l'idée

C'est à la base de la connaissance du 3ème type: avoir des idées, et une idée claire de nos idées. Par exemple, si je dis: cet homme est injuste, c'est adéquat si j'ai en mois une bonne idée de l'idée "d'injuste". Si ma compréhension de l'injuste est erronée, l'idée que je me fait sur cet homme l'est aussi.
Quand on y pense, dans notre monde de tous les jours, nous passons peu de temps à nous accorder sur "l'idée des idées"
Le commun, finalement, c'est partager des idées et s'accorder sur l'idée de ces idées