Au fond, l’éthique est une façon d’essayer de situer l’homme dans la complexité du monde : complexité des choses qui l‘entourent, des évènements qui perturbent sa vie, des émotions qui l’affectent…C’est bien parce que notre relation au monde est complexe que le travail de l’éthique peut nous être utile : en nous préparant à être mieux disposer à être affecté, et en nous rendant plus capable d’affecter, l’éthique nous facilite la vie. Non pas en ôtant à notre vie son intensité : il ne s’agit pas de simplifier. L’éthique n’est pas une ascèse du renoncement. Ce qui est facilité par l’éthique, c’est notre progression, notre trajet de la situation A à la situation B. Avec l’éthique, quand nous sommes dans la situation A, nous comprenons mieux les nécessités requises pour que le trajet vers la situation B soit possible. Nous comprenons notamment mieux notre capacité à agir et notre propension à pâtir entre cet A et ce B. Ce qui fait qu’en chemin, peut-être nous renoncerons à B, pour lui préférer C. Ou au contraire, nous confirmerons et amplifierons notre désir de B par la joie de l’affirmation de notre puissance en acte, orientée vers ce B, comme une nécessité agissante issue du plus profond de nous-mêmes.
L’éthique est une manière de prendre soin de nous même, par l’acquisition d’une compétence particulière, liée à notre capacité de réévaluer nos désirs à l’aune de la joie réelle qu’ils nous procurent. Peut être que l’éthique comporte une bonne part, dans un premier temps, d’évitement. Apprendre à éviter les situations qui nous attristent, nous diminuent. Cela ne veut pas dire pour autant fuir. Mais déjà nous libérer de la part de tristesse dans nos existences qui, une fois supprimée, ne change rien au monde dans lequel nous somme, mais qui tant qu’elle demeure, nous affecte inutilement.