Peut-on être autrement qu’ « en situation » ?
Oui. Nous pouvons être « en imagination ».
Cela veut dire qu’être « en situation », c’est être présent, là physiquement, et être en relation avec des choses où des êtres qui eux mêmes sont présents à nous. Alors, nous composons des rapports avec ces êtres et ces choses.
Lorsque ces êtres et ces choses ne sont présent à nous que sous forme d’idées, nos sommes en imagination. Alors nous pouvons imaginer que nous composons des rapports avec eux. Et cette imagination peut produire des affects qui ressemblent à ceux que produisent la situation.
Il mes emble qu’une grande partie de l’éthique concerne le discernement des ces deux manières d’être.
Il s’agit principalement de comprendre les mécanismes qui font que l’imagination vient se superposer à la situation et perturbe de manière inadéquate notre compréhension de la situation.
Là où les choses se compliquent, c’est l’imagination est toujours là. Même quand nous « collons » au plus près de la situation. Car l’imagination est ce petit temps d’avance, cette projection imperceptible, ce déséquilibre de nous-mêmes qui nous projette dans l’instant d’après. L’imagination est un des ingrédients de la persévérance en nous même.
Et l’imagination peut être calcul où rêve. Et elle peut être calcul adéquat ou rêve actif, et calcul erroné ou rêve passif. Augmentation de notre puissance d’un côté. Affaiblissement de l’autre.
Prenons un exemple.
Je suis au bord d’une rivière torrentielle, et une personne est en train de se noyer.
C’est une situation.
Ici, l’on sent bien que cette situation requiert du calcul. Chaque mouvement que je vais faire va accroître ou diminuer mes chances de réussir. Mais l’on sent de fait qu’il y a aussi de l’imagination : je dois « rêver » de secourir cette personne. Il faut qu’en moi se forme l’image de moi nageant, agrippant, remorquant le noyé…sans ce désir, qu’après j’appellerai volonté, courage etc, sans ce désir, donc, je n’irai pas. Il faut qu’un moi imaginaire s’élance d’abord dans les flots, m’entraînant à sa suite.
C’est le désir qui nous projette dans la situation.
Ensuite, pour nous et celui qui se noie, tout est affaire d’adéquation.
Arriver à faire ce qu’il convient de faire, en fonction de ce que nous sommes et de ce dont nous sommes capables. Ni plus ni moins.